2 %. Un chiffre sec, qui suffit à mesurer la rareté : en France, seules quelques écoles maternelles appliquent fidèlement la pédagogie Montessori ou la pédagogie Freinet. La majorité des établissements publics picorent dans ces deux approches, sans jamais s’y plier entièrement. Pourtant, la curiosité autour de ces méthodes ne fléchit pas. Elle agite autant les débats entre parents que les rangs des chercheurs ou des professionnels de l’éducation, chacun défendant sa vision, ou doutant de leur efficacité réelle.Pour les familles, la question se pose avec acuité. Entre deux modèles qui mettent en avant le respect du rythme de l’enfant, le choix n’a rien d’évident. D’autant que derrière le vernis de valeurs communes, Montessori et Freinet s’opposent parfois jusque dans leurs fondements, leur organisation, leur manière de penser l’élève et son environnement. Le matériel, l’espace, la place de l’adulte : tout diffère ou presque.
Montessori et Freinet : deux visions singulières de l’éducation
Maria Montessori, médecin et pionnière de l’éducation, imagine dès le début du XXe siècle une méthode fondée sur l’observation rigoureuse de l’enfant. Sa conviction : l’autonomie s’apprend tôt, pourvu qu’on en crée les conditions. Elle propose un environnement minutieusement organisé, du matériel sensoriel pensé pour chaque étape, et surtout la liberté, pour chaque enfant, de choisir ses activités et d’avancer à sa cadence. Ici, l’expérimentation n’est pas un supplément : elle structure la journée.
Face à elle, Célestin Freinet, instituteur profondément ancré dans le mouvement social, façonne dans les années 1920 une pédagogie tournée vers le collectif. Pour lui, la coopération, le projet commun et l’expression libre forment le cœur de l’expérience. La classe devient un terrain d’essais pour débattre, écrire, produire à plusieurs. Les élèves prennent la parole, corrigent parfois leurs pairs, s’initient à la vie démocratique dès l’école. L’expérimentation passe ici par le groupe, l’échange, la dynamique sociale.
Montessori et Freinet poursuivent un même objectif : transformer l’école en espace vivant, nourrissant pour l’enfant. Mais la ressemblance s’arrête là. Montessori mise sur l’apprentissage individuel, la découverte autonome et la confiance forgée dans l’exploration personnelle. Freinet, au contraire, défend l’apprentissage coopératif, la création qui jaillit du collectif et le pouvoir du projet partagé.
- Montessori : autonomie, environnement préparé, matériel spécifique
- Freinet : coopération, expression libre, projets collectifs
Pour clarifier ce qui distingue chaque approche, voici les traits marquants de chacune :
Deux courants, deux conceptions de la place de l’enfant et du savoir. Le choix n’est pas qu’une affaire de méthode : il touche à l’idée même de ce que l’école doit transmettre.
Quels principes fondamentaux distinguent ces pédagogies ?
Dans la pédagogie Montessori, l’autonomie s’impose comme pierre angulaire. Chaque enfant évolue dans un environnement réfléchi jusque dans le moindre détail, pensé pour ses besoins et son autonomie. Le matériel sensoriel, conçu avec précision, invite à la manipulation, à la comparaison, à l’auto-correction. L’adulte, jamais intrusif, observe, accompagne, ajuste, sans jamais imposer un rythme unique à la classe. La confiance en soi se construit en douceur, au fil des découvertes individuelles.
Chez Freinet, d’autres leviers sont à l’œuvre : la coopération et l’expression libre. L’enfant apprend par le groupe, grâce au groupe, et pour le groupe. Conseils de classe, projets collectifs, textes libres, débats : tout est prétexte à expérimenter ensemble, à produire, à discuter. L’enseignant s’efface partiellement pour devenir facilitateur, garant du cadre, moteur de la co-construction. L’expérience, l’essai, la prise de parole collective rythment le quotidien.
- Montessori : autonomie, matériel sensoriel, exploration individuelle, environnement structurant
- Freinet : coopération, expression libre, projets collectifs, apprentissage par l’expérience
Pour mieux cerner la philosophie de chaque pédagogie, cette liste synthétise leurs fondements :
Les deux approches privilégient l’adaptation au rythme de chacun et encouragent la créativité. Mais là où Montessori fait confiance à la trajectoire personnelle de chaque élève, Freinet privilégie le collectif et la dynamique de groupe. Ces visions, forgées par leur époque, offrent deux réponses à la même question : comment permettre à l’enfant de s’approprier le savoir et d’entrer dans le monde ?
Comparatif : méthodes, rôle de l’enfant et place de l’adulte au quotidien
La méthode Montessori propose des journées structurées autour d’ateliers en solo. L’enfant, dans un environnement pensé pour lui, sélectionne ses activités librement et progresse sans pression. L’adulte, le « guide », observe sans s’imposer, ajuste le matériel, encourage l’autonomie. Ici, la responsabilisation prime, tout comme l’auto-correction. L’évaluation repose sur l’observation des avancées, pas sur des notes. L’ambiance est calme, propice à la concentration, avec peu de sollicitations extérieures.
Dans une classe Freinet, l’accent se déplace sur le collectif. L’enfant prend part aux décisions, propose des projets, écrit, débat avec ses camarades. L’enseignant, rebaptisé « facilitateur », anime la coopération et stimule l’expression. Les apprentissages sont toujours reliés à l’expérience : on écrit pour de vrai, on présente ses idées, on reçoit des retours des autres. L’évaluation s’enrichit d’une dimension de réciprocité : les pairs commentent, valident, suggèrent. L’esprit critique se construit dans la confrontation, la créativité dans l’échange.
- Dans Montessori : l’enfant choisit, l’adulte veille ; l’apprentissage est individuel, les outils normalisés.
- Dans Freinet : l’enfant propose, l’adulte orchestre ; la progression se vit dans le groupe, l’expérimentation occupe le devant de la scène.
Pour saisir les différences concrètes dans la vie de la classe, retenez ces points :
Le rôle de l’adulte prend alors deux formes : discret observateur chez Montessori, allié et collaborateur chez Freinet. Dans les deux cas, l’enfant reste le pivot du dispositif, moteur de ses apprentissages et de son développement global.
Ressources et conseils pour choisir la pédagogie la mieux adaptée à votre enfant
Face à la prolifération des pédagogies alternatives, choisir un cadre d’apprentissage pour son enfant n’a rien d’anodin. Les écoles Montessori fonctionnent majoritairement comme des structures indépendantes, en France comme ailleurs. À l’inverse, la méthode Freinet irrigue de nombreux établissements publics, mais aussi certaines écoles privées. Ce contraste institutionnel pèse : de la formation des enseignants à la marge d’innovation, tout change d’un contexte à l’autre.
Pour avancer dans ce choix, prenez le temps d’observer l’enfant : aime-t-il l’autonomie, le calme, un environnement très organisé (Montessori) ? Ou s’épanouit-il plutôt dans la coopération, l’expression partagée, le tâtonnement et les essais collectifs (Freinet) ? Rencontrez les équipes, assistez à des portes ouvertes, dialoguez avec d’autres familles. L’expérience d’une pédagogie alternative ne se résume jamais à une méthode : il s’agit de faire coïncider valeurs, attentes et projet éducatif.
- Les écoles Montessori : le plus souvent privées, présentes dans de nombreuses grandes villes, avec des frais parfois substantiels.
- Les classes Freinet : intégrées à l’enseignement public, parfois au sein d’écoles classiques, où la dynamique collective est forte.
- Les écoles Steiner-Waldorf : privées, axées sur l’art, l’imaginaire et le respect du rythme naturel des saisons.
Voici quelques repères pour situer concrètement les différents types d’écoles :
Avant tout, il faut tenir compte des réalités locales, de la cohésion d’équipe et de l’attention portée aux besoins particuliers de chaque enfant. Une démarche sincère, attentive à ce qui anime l’élève au quotidien, ouvre le chemin vers un choix cohérent.
À la fin, trancher entre Montessori et Freinet, c’est façonner une façon de voir l’enfant, l’apprentissage et le collectif. Le déclic se produit souvent là où l’enfant s’éveille, curieux, prêt à inventer son parcours. C’est là que l’école prend tout son sens.


